Tous les matins après le journal de 8h30, Emmanuelle Ducros dévoile aux auditeurs son «Voyage en absurdie», du lundi au jeudi.
Hier, à Châteauroux, dans l'Indre, un procès en braconnage, qui semblait plié d'avance, n'a pas tourné comme prévu. La justice a dû relaxer six prévenus en dépit de preuves accablantes
Le tribunal correctionnel de Châteauroux s'intéressait au cas de six hommes qui avaient été interpelés le 25 février en flagrant délit à Vierzon, dans le Cher. L'enquête avait mis en avant des faits graves de braconnage dans les forêts de Sologne.
Avec des jumelles thermiques, de nuit, les six prévenus abattaient des animaux illégalement et se livraient à des actes de cruauté sur la faune sauvage. Ils percutaient volontairement des sangliers avec leurs véhicules. Ils encouraient des peines lourdes, de 4 ans de prison et 150 000 € d’amende.
On avait des preuves ?
Oui, nombreuses. l'Office français de la biodiversité, la police de l’environnement, avait enquêté pendant des mois, sur la base de témoignages dans la région, avant d'attraper les malfaiteurs sur le fait. Puis il y avait eu des perquisitions. Plus d'une trentaine d'armes avaient été saisies, certaines non déclarées, dont des armes de guerre. L'affaire qui avait révolté la société de chasse au grand gibier du Cher et la société de vènerie, parties civiles au procès, qui demandaient des condamnations exemplaires pour ces hommes qui avaient outrepassé toutes les règles.
C'était sans compter sur un grain de sable qui a enrayé toute la mécanique
Oui... Et déclarer la nullité de toute la procédure. Car au cours de l'audience, un coup de théâtre spectaculaire a eu lieu. Les avocats des prévenus ont mis en avant le fait que l'office français de la biodiversité avait utilisé pour coincer les braconniers, des pièges photographiques, pendant un an. Clic clac Kodak, les méfaits avaient été immortalisés. Mais l'utilisation de ces appareils photos n'avait pas été correctement autorisée par la justice, pas correctement mentionnée dans les procédures. Ce qui, selon la défense des prévenus, constitue « Une atteinte grave à l’article 8 de la convention des droits de l’homme qui garantit le droit à la vie privée ». Oui, c'est un argument énorme, comme un cerf à 20 cors, mais c'est passé.
Et la justice a dû s'incliner, declarer la nullité de la procédure et relaxer les prévenus
On en sait pas très bien qui a cafouillé dans cette histoire, si la justice n’a pas été précis dans la gestion du dossier ou si l'OFP s'est laissée emporter par son élan. Toujours est il que ça ne tenait tellement pas que le tribunal a dû retirer les preuves photos du dossier. ce qui a fait tomber tout le reste de la procédure, parce que les interrogatoires, les perquisitions, la découverte des armes. Tout découlait des photos. Et les braconniers sont passés entre les mailles du filet et sont rentrés tranquillement à la maison.
Ça fait mauvais effet, ce ratage.
Oui. Pour la justice, d'abord, qui doit faire marche arrière à cause d'un vice de procédure grossier. Mais aussi pour l'OFB. L'Office de la biodiversité est contesté dans le monde rural et agricole, souvent pointé du doigt pour l'agressivité de ses méthodes de terrain. Mais il a une mission qui fait consensus, dans la population, parmi les chasseurs, celle qui consiste à lutter contre le braconnage. C’est un rôle que personne ne lui conteste. Il avait un dossier exemplaire à mettre en avant pour affirmer son efficacité. Il a grillé une cartouche pour rien.