Tous les matins après le journal de 8h30, Emmanuelle Ducros dévoile aux auditeurs son «Voyage en absurdie», du lundi au jeudi.
Hier à l’Assemblée nationale devait être discutée une proposition de loi visant à lever les contraintes agricoles. Mais rien ne s’est déroulé comme prévu. Le texte a été rejeté par le bloc central et le gouvernement, qui pourtant le soutenaient. Que s’est-il passé ?
On pourrait résumer par : tel est pris qui croyait prendre. (Permettez moi un petit rappel). La proposition de loi est un texte court, 8 articles. Elle devait répondre aux préoccupations les plus urgentes des agriculteurs français. En gros, corriger la tendance française à laver plus blanc que blanc et les mettre à niveau avec les pratiques de leurs voisins européens. Le texte a été validé le 27 janvier au sénat.
Puis il est arrivé à l’Assemblée, il ne faisait pas du tout consensus.
Non : la gauche et même une partie des députés macronistes et modem n’en voulaient pas. Ca ne répond pas à leur vision fantasmée de l’agriculture. Et les députés verts et écolos se sont déchaînés. Littéralement. Ils ont déposé des milliers d’amendements. Il y en a 3500 sur le texte, les trois quarts venant de l’extrême gauche. Plus que pour le budget, plus que pour la fin de vie. Un déluge de corrections.
La plupart ineptes. Une insulte à l’intelligence. Des amendement remplaçant la formule “30 jours” par “un mois”. Des séries de 101 amendements listant un à un tous les départements concernés par une mesure. Des amendements visant à préciser “et agentes” quand on parlait d’agents. D’autres qui changent des virgules. Un délire. La ministre de l’agriculture a calculé que la somme des amendements de l’extrême gauche dépasse le million de mots. C’est plus que la recherche du Temps de perdu de Marcel Proust.
Quel était le but de tous ces amendements ?
Justement : de faire perdre son temps à l’assemblée, en l’obligeant à passer des semaines à déblayer des virgules. La noyer dans une telle somme de détails idiots qu’elle ne puisse pas aller au bout du texte dans le temps imparti , qu’elle ne puisse pas discuter du fond et qu’il soit abandonné. Ca porte un nom : l’obstruction. C’est de l’antijeu démocratique. Comme les gamins qui renversent le plateau de Petits chevaux quand ils perdent.
Ça a marché?
Quand on joue au plus malin, on risque de trouver plus retors que soi. Les députés du bloc central et le gouvernement ont trouvé un moyen de faire échouer la tactique. Avant même de débattre, ils ont voté une motion de rejet du texte. Ils l’ont débranché, alors même qu’ils le soutenaient. Comme le texte a déjà été vu par le sénat, il ne va pas mourir, va finalement être remanié plus sereinement par un petit groupe de députés et de sénateurs (une commission mixte paritaire). Une ruse pas glorieuse, qui cache le fait que le bloc central est lui même divisé, faible, et que la majorité est introuvable et ne peut avancer que par la feinte. Evidemment, chez LFI et les Verts, on hurle au déni de démocratie, à la confiscation du débat, ce qu’on ne tolère que quand on le confisque à son profit.
Pour les citoyens, un spectacle lamentable. Et pour les agriculteurs, instrumentalisés dans ce jeu de qui perd gagne, beaucoup de temps perdu, et le sentiment d’un grand mépris de la part de la représentation nationale.