Tous les matins après le journal de 8h30, Emmanuelle Ducros dévoile aux auditeurs son «Voyage en absurdie», du lundi au jeudi.
En ce moment à l’Assemblée, les députés planchent sur une proposition de loi qui vise à lever les contraintes à l’exercice du métier d’agriculteur. Elle a été adoptée au sénat en janvier. Elle devait lever toute une série d’obstacles, par exemple pour la gestion de l’eau. Elle était très attendue par les paysans. Mais l’examen est en train de virer au cauchemar pour eux. Des députés essaient de faire mourir l’agriculture de soif ( ce sont vos mots)
Le but initial de cette loi était notamment de faciliter la vie des agriculteurs pour le recours au stockage d’eau et à l’irrigation. L’accès à ces pratiques est compliqué en France. Contrairement aux idées reçues, on irrigue bien moins que dans les autres pays européens... alors que cela va devenir de plus en plus nécessaire avec le changement climatique. C’est du bon sens : on stocke l’eau l’hiver, quand elle abonde, pour l’utiliser l’été quand elle manque. Parce que non, on ne sait pas cultiver sans eau.
Mais début mai, l’article consacré à la gestion de l’eau agricole est passé à la moulinette de la commission développement durable de l’assemblée. Celle ci programme la mort de l’agriculture par assoiffement.
Elle a réécrit l’article, dans le sens inverse de ce qui était prévu
L'article 5 a été supprimé par les députés d’extrême gauche et les écologistes. Et il a été remplacé par neuf amendements qui, chacun à leur manière, rendent impossible la gestion de l’eau pour l’agriculture et son utilisation pour l’irrigation.
C’est à dire qu’on ne pourra pas construire de réserves ?
On ne dit pas réserve d’eau, dans le langage de ces députés biberonnés aux éléments de langage anticapitalistes des anti Sainte-Soline, on dit “mégabassines pour l’agroindustrie”. Des mots qui ne veulent rien dire ni techniquement ni juridiquement, mais qui ont pourtant été inscrits dans un texte par la représentation nationale.
Effectivement : le nouveau texte impose un moratoire de 10 ans sur tous les projets de retenues d’eau ou d’irrigation. Il sera donc impossible à l’agriculture de s’adapter aux sécheresses. Pire : il impose un moratoire rétroactif sur la construction et l’exploitation de tous les projets des dix dernières années. On coupe le robinet à ceux qui fonctionnent, on gèle ceux qui sont en cours. Du jamais vu.
Ca va encore au dela. Ce que je vais vous dire est difficile à croire : des députés ont aussi inscrit dans un projet de loi que toute exploitation non biologique en France ne pourrait plus utiliser d’eau d’irrigation, même si elle le faisait depuis des décennies. Techniquement, quand on met bout à bout toutes les interdictions, si ce texte est voté en l’état, c’est fini : il n’y aura plus d’eau pour l’agriculture en France d’aucune manière. C’est délirant.
Ce texte a une chance d’être voté ?
Le rapporteur du texte, un député LR, ferraille, avec l’aide du ministère de l’agriculture pour rétablir la version initiale du texte. Mais un énorme risque plane sur l’eau agricole. Le texte va être soumis au vote des députés en plein pont de l’ascension. Il risque de n’y avoir que peu de députés présents. Ce texte fou, qui va assécher l’agriculture française a des chances d’être adopté sur fond d’absentéisme. Il aurait des conséquences terribles. Pas seulement pour maintenant, mais pour notre futur agricole sur des décennies.