Tous les matins après le journal de 8h30, Emmanuelle Ducros dévoile aux auditeurs son «Voyage en absurdie», du lundi au jeudi.
Cela se passe au Royaume-Uni. Une mécène très active de l’art contemporain a démissionné de tous ses postes et de toutes les fonctions bénévoles qu’elle dans des institutions culturelles britanniques ce week-end. Elle dénonce la montée alarmante de l’atisémitisme dans les sphères intellectuelles britanniques.
Cette femme s’appelle Candida Gertler, elle est germano-britannique, et elle était jusqu’à samedi à la tête d’un fonds philanthropique de soutien aux artistes et à l’art contemporain, Outset, qu’elle a fondé en 2003, et dans lequel elle investit sa fortune. Elle en a démissionné avec fracas. The Art Newspaper publie in extenso sa lettre cinglante : “Cette décision n’est pas motivée par la peur, la faiblesse ou la défaite, mais par un acte de protestation de principe contre la montée alarmante de l’antisémitisme et la normalisation tacite de la haine dans les espaces artistiques censés favoriser la créativité et l’inclusion.”
Qu’est-ce qui a poussé cette figure de la scène artistique britannique à prendre cette décision ?
Deux événements, symboliques d’un climat visqueux d’antisémitisme qui gangrène les milieux culturels britanniques. Nous avons déjà parlé ici du monde de l’édition, qui se sépare d’auteurs juifs. On est dans la même veine.
Premier événement, au printemps, des étudiants propalestiniens de Londres ont occupé une galerie d’art de leur université pendant 27 jours.
Ils exigeaient du Goldsmiths Centre for Contemporary Art, qu’il retire le nom de Candida Gertler et de son mari de la liste des donateurs, au prétexte qu’ils sont amis de benjamin Netanyahou et soutiendraient (donc) le massacre à Gaza – ce qu’ils n’ont jamais fait. Disons-le clairement, on leur reproche surtout d’être juifs ou “ sionistes”, selon le nouveau mot cache-sexe de l’antisémitisme. Le pire est que l’institution a cédé, avec une rare lâcheté. Elle a effacé les noms des Gertler du tableau des donateurs, tout en expliquant n’avoir pas reçu de fonds de leur part depuis 2017. Pire : les Gertler l’ont appris dans la presse.
Et l’affaire a pris de l’ampleur.
Il y a peu, 1 100 artistes et professionnels de l'art brtanniques ont signé une lettre ouverte demandant à la Tate galery de rompre ses liens avec Candida Gertler, ainsi qu’avec deux autres mécènes, le couple Zabludowicz. Les signataires les décrivent comme « profondément complices du régime israélien ». Encore une fois : des personnalités juives, à qui on reproche des opinions supposées, qui seraient liées à leur religion. Une chasse aux sorcières qui a pour but d’obtenir l’effacement, l’annulation d’individus. Ca fait froid dans le dos.
“Aucune des institutions concernées n’a eu la courtoisie ou le courage de me contacter”, explique Candida Gertler, écœurée. “Ma décision de me retirer de ces fonctions est une tentative de mettre en lumière ce problème urgent. Je ne peux pas, en toute bonne conscience, prêter mon nom ou mes efforts à un secteur qui ne prend pas résolument position contre la haine et la répression de la pluralité des opinions.”
(Il y a un motif récurrent, dans cette histoire. C’est exactement ce qu’a vécu en France une jeune femme, Julie Layani, victime d’une campagne odieuse visant à la faire chasser du jury d’un festival du film LGBT, chéri-chérie. Pourquoi ? Elle est juive, on la traite de sioniste, de fasciste, on l’accuse de ne pas penser droit).